Merci encore pour cette belle cérémonie et le temps que vous avez consacré ensuite, à partager des souvenirs et discuter ensemble.
Je vous remets ici ce que j'ai dit lors de la cérémonie.
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Certains d'entre vous ont connu Guillaume petit, ado, ou installé à Lamentargue. Moi je veux vous parler du Guillaume que j'ai rencontré à Kesha Niya.
Sous le capitalisme, on retrouve sa dignité dans la rage de la lutte et dans l'auto-organisation. Kesha Niya c'était les deux, et une façon de vivre différente de la ville, qui n'allait pas à Guillaume.
C'est lui qui me l'a fait découvrir, par hasard sur les réseaux, et il était rapidement devenu un pilier moteur du groupe, grace à son calme et son énergie constante. C'est lui qui est venu me chercher à Sospel, pour me montrer le chemin - un long chemin en pente, à pieds, le premier d'une longue série à crapahuter derrière lui.
Il était fort : il s'était construit un corps à toute épreuve. Mais surtout, et c'était ce pour quoi il était le plus apprécié : il était doux, franc et stable. D'humeur égale en extérieur, attentif aux autres. On vivait dans des tentes (bien aménagées), on faisait la cuisine tous les jours, et tous les jours on descendait, qu'il pleuve ou qu'il neige il était là, pleinement, même fatigué, même -et si rarement - malade. Et moi je tentais tant bien que mal de survivre et de le suivre, avec son énergie sans borne.
Quand il s'est installé à Lamentargue, il avait créé de ses mains une cabane - la première là aussi mais pas la dernière. Lorsque je l'ai rejoint, en plein hivers, c'était pour qu'il me retrouve à Tende, monter a pieds les 2h de trail avec les bottes et la neige jusqu'aux genoux lorsque le chemin n'avait pas été tracé. Je n'avais pas pris la mesure de ce dans quoi j'arrivais, ni de son estime de mes capacités physiques, car c'est dans cette cabane - 1 mur et 1 toit, une bâche de chaque côté, et un lit sur pilotis dans lequel il vivait par moins 10 degrés - qu'il comptait nous installer pour plusieurs mois. Heureusement, il y avait une solution de replis !
Il avait trouvé un équilibre dans ces belles montagnes, dans la communauté - dans la famille- qu'il avait rejoint. Il avait trouvé - il avait construit - un îlot à lui, avec de belles personnes pour l'entourer, pour discuter, pour jouer de la musique, aux jeux de société, partager une vision de la vie et de la communauté, aimer - vivre quoi.
À moi, il m'avait appris beaucoup de choses. Sur moi d'abord : d'avoir confiance en mes capacités ou à minima d'essayer, et que c'était pas si dur au final, si on mettait juste un pas devant l'autre. Mais aussi sur lui, et sur les autres, des idées que je garde précieusement et que je garderai toujours en moi.
Une de ces idées, je vous la partage aujourd'hui :
La société nous fait croire qu’on ne peut vraiment se sentir à notre place, qu'on ne peut vraiment être aimé, que si les autres nous comprennent. Et pour être compris, il faudrait dire :
« Je suis comme ci, je suis comme ça, je rentre dans telle ou telle case. »
Mais c'est pas comme ça qu'il voulait faire, Guillaume, il ne voulait pas avoir à décider à l'avance d'une ligne de conduite qui conditionnerait son existence, à laquelle il devrait se tenir juste parce qu'un jour il l'a énoncée. Il voulait avoir le droit de ne pas faire sens.
La seule façon dont je pouvais l'aimer c'était en disant :
« Je ne te comprendrai jamais vraiment.
Je ne te saisirai jamais complètement.
Mais ce n’est pas grave, parce que je ne suis pas là pour te posséder, mais pour marcher à tes côtés. »
L'aimer, c’était accepter qu'il soit imprévisible, libre, parfois chaotique. C'était choisir d’être présent face au mystère qu'il resterait toujours.
Je t’aime parce que tu es comme moi : impossible à définir, toujours en train de changer et d’évoluer.
Tu parlais pas beaucoup Guillaume, mais tu avais plein de choses à dire, et le chaton que tu étais aimait être apprivoisé et connu.
Merci d'avoir été dans ma vie. Tu seras toujours dans la mienne. Je t'aimerai toujours. Repose en paix. Mange du chocolat. Et repose en puissance.